F/3. Miel et déconfiture

Ca sentait l'orage. Une chaleur moite, étouffante, avait poussé nombre de townies à déserter leur lit pour se rendre au centre-ville et le bazar rapidos était plein comme un oeuf. Aldon repéra une noctambule qui tranchait sur la médiocrité ambiante par sa tenue très élégante. Il arbora son plus beau sourire pour lui servir une platitude
-Quelle chaleur, hein ? Vous n'avez pas trop chaud avec vos gants ?

-Plaît-il ? C'est à moi que vous parlez ? interrogea celle que tout le monde appelait la Diva.
-Heu... oui. C'est à cause de vos gants, ils montent si haut... je me demandais s'ils ne vous tenaient pas trop chaud
-Mon ami, ils ne me quittent jamais. Une femme élégante ne saurait sortir sans gants. Enfin, dans notre milieu dont vous semblez ignorer le B-A BA des bons usages. D'abord, on n'aborde pas une inconnue, on attend de lui être présenté, ensuite on attend qu'elle vous adresse la parole. En tous cas, on garde ses réflexions désobligeantes pour soi et on se contente de parler de tout et de rien, -surtout de rien-, sur le ton badin de la conversation mondaine.
-Comme ???
-Comme : la pluie et le beau temps, les embouteillages, la tendance boursière ou la dernière exposition de Dufélé.
-Ah-bon ! Aldon Juan poussait des yeux ronds. Jamais il n'avait rencontré de femme possédant une telle classe. Il se sentait gauche, emprunté. Et d'ailleurs, c'est ce qu'il était.

-Ha-ha, comment elle t'a remis à ta place, la nana ! ricana un type qui n'avait même pas pris le temps d'enlever son pyjama pour sortir. Direct du lit au bazar, sans passer par la case douche, tandis que la Diva se plaignait de la promiscuité et du manque de savoir-vivre de certains (suivez son regard). Aldon Juan fut bien soulagé d'entendre le chuintement des baskets de Karelle qu'il entraîna aussitôt du côté des cabines d'essayage.

Il ne perdit pas de temps et comme durant toute la séance, il ne pensait qu'à la Diva, Karelle eut droit à un feu d'artifice bien nourri. Tout le monde était gagnant dans l'affaire, et surtout Aldon qui empochait 4 nouveaux points, et s'était trouvé une tenue hawaïenne adaptée au climat.
Score : 77,75 points.

Le seul problème avec Karelle, c'est qu'elle manquait de discrétion. Ses cris dans la cabine, avaient attiré un quidam qui se prétendait médecin.
-Vous ne vous sentez pas bien madame ? Voulez-vous que je vous examine ?
-Heu... je crois que ça va aller. J'ai juste eu un petit malaise dû à la chaleur, mais mon ami, ici présent, m'a aidée à reprendre mes esprits. Vous comprenez, j'essayais une nouvelle jupe, et les cabines sont tellement étroites, j'ai cru que j'allais étouffer... Pendant qu'elle se lançait dans des explications laborieuses Aldon Juan en profita pour s'esquiver. Il ressentait à son tour une envie pressante. Que dis-je pressante, URGENTE !

Or les toilettes, où tout le monde allait se rafraîchir au lavabo, était devenues le dernier salon où l'on cause. Le temps de mettre tout le monde dehors, ce qui devait arriver arriva : Aldon Juan que l'urgence rendait malhabile n'arrivait pas à défaire les boutons de sa braguette. Cette idée aussi que ces braguettes à boutons ! Ca ne se fait plus depuis des siècles, vive la fermeture éclair ! Enfin le résultat de la guerre des boutons, ce fut une belle mare juste devant la cuvette et un Aldon Juan sentant l'urine à 100 mètres.

-C'est quoi cette odeur ? C'est insupportable ! protestèrent les clients lorsqu'il rejoignit Karelle dans la boutique.
-Hé-hé, c'est mon nouveau parfum : Envie de chez Dableyou C. C'est original comme parfum, vous ne trouvez pas ? expliqua Aldon en brandissant un flacon d'eau de toilette. Il en profita pour s'en asperger, espérant arranger les choses.

Hélas-hélas, son subterfuge ne trompa personne
-Tu espères faire croire ça à qui ? demanda Karelle qui se croyait autorisée à tutoyer Aldon Juan depuis la séance dans la cabine.
-Faire croire quoi ?
-Que cette odeur... oh, et puis c'est encore pire maintenant avec les effluves fleuris, dit-elle en prenant la vendeuse à témoin.
-J'avoue, j'avoue ! J'ai menti, j'ai eu une fuite. Tu devrais comprendre ça, toi Karelle ! C'est à cause de ces maudits boutons, j'ai pas eu le temps de les dégraffer bou-ou-ouh ! il se mit à pleurer.

-Excusez-le, pardon, pardon... en jouant des coudes, Karelle réussit à entraîner Aldon hors de la boutique et ils se retrouvèrent dans la voiture.
-Karelle, pleurnichait Aldon, tu ne m'en veux pas, Karelle ?
-Meuh-non, c'est un malheureux accident, pas de quoi fouetter un chat,
-Tu n'en parleras à personne ? A personne, tu me le jures ?
-A personne ! promis, juré, craché !
-Oh Karelle, tu me sauves la vie. Si ça venait à se savoir, ma réputation serait perdue. Ca mérite toute ma reconnaissance, et je ne connais pas d'autres moyens de te la prouver que de t'honorer encore une fois.
Karelle accepta de se laisser honorer, mais quand il lui proposa un dernier verre chez lui, elle préféra repousser l'échéance
-Il se fait tard, je suis en nage, je vais rentrer prendre une petite douche et après, dodo. Tu ne ferais pas mal d'en faire autant. On pourra se revoir demain, si tu veux.
Score : 78,75 points.

Le lendemain donc, un dimanche, Aldon Juan s'était levé de bonne heure, pressé d'en finir avec Karelle et de lui faire oublier la mauvaise impression de la veille. Il bricolait sa machine infernale quand Marilène vint le trouver
-Aldon, aujourd'hui c'est l'anniversaire des jumeaux, tâche de ne pas l'oublier. J'espère que tu n'as pas encore prévu de sortir ce soir; parce que ce sera niet !
Ca agaçait bien un peu Aldon Juan, ces ordres qu'elle lui donnait, mais, tout bien réfléchi, Marilène n'était pas une femme trop embêtante. Une petite crise d'autorité par-ci par-là, et le reste du temps, il pouvait n'en faire qu'à sa tête. Moindre mal !

Il attendit patiemment que Marilène parte au travail et invita Karelle à venir se rafraîchir dans son bain à remous. Mais le sort était contre lui. Avant de partir, Marilène, qui savait qu'il ne fallait pas trop compter sur Aldon pour faire tourner la maison, avait pris ses dispositions. Elle avait embauché une nouvelle nounou, mais surtout-surtout, appelé le réparateur pour le vide-ordures, omettant d'en informer son mari.
La tête d'Arkadia, en découvrant une Karelle toute frétillante, s'apprêtant à plonger dans le bain aux délices. Elle ne fit pas d'esclandre mais se contenta de menacer
-Vous me le payerez !
Score badaboum : 68,75 points.

Chose promise, chose dûe, Aldon offrit à Karelle un bain où les remous furent les bienvenus pour cacher des choses pas jolies-jolies. Mais le coeur n'y était plus. Décidément, cette Karelle était un porte-poisse ambulant. Jamais il n'aurait dû s'en approcher. Il se promit qu'aussitôt après ce rendez-vous catastrophique, elle n'entendrait plus parler de lui.
Score : 69,75 points.

Toute la journée, Aldon Juan rumina sa déception.
-Dire que j'étais si bien parti pour remporter le challenge de la séduction (c'est lui qui le dit). Je suis FI-NI ! Ah, qué malheur ! Quelle misère ! Se donner tant de mal pour rien ! Et pourquoi ça n'arrive qu'à moi, des trucs comme ça ? Ce n'est pas possible, on m'a jeté un sort. Voui, c'est ça ! Ca ne peut être que ça : je suis victime d'un mauvais sort. Mais je me battrai, je me défendrai, quoiqu'on fasse pour me décourager, foi d'Aldon Juan, je continuerai !

Quand Marilène rentra du travail, il avait eu le temps de digérer sa déception et toute la famille se retrouva autour de la table pour fêter l'anniversaire de Rémy et de Romain.
-A toi l'honneur, Aldon ! dit Marilène, aide Rémy à souffler les bougies.

-Mais-non, papa, faut te mettre en face du gâteau, autrement tu n'y arriveras pas !
Rha, quelle casse-bonbons cette Jehanne. C'était quand même pas une gamine qui allait lui apprendre à souffler des bougies. Aldon Juan ignora superbement les conseils et continua à souffler de travers.

Et alors ? C'est qui qui avait raison ? Ca l'a empêché de bien grandir, le petit Rémy ? Non ! Et n'allez pas dire que c'est parce qu'Aldon n'a pas soufflé droit que Rémy s'est retrouvé affublé d'une combinaison de panda totalement ridicule sous ces climats. Nan, les responsables, c'est ailleurs qu'il faut les chercher.

Et quand Romain grandit à son tour, sous les applaudissements de Jehanne
-Voilà, c'est bien, tu vois maman, elle sait souffler les bougies, elle... C'est le pur hasard s'il portait une salopette acceptable.

Aldon fit connaissance avec les joies de la paternité. Lui qui n'avait jamais, ô grand jamais, daigné enseigner quoique ce soit à sa fille, fut contraint d'installer Rémy sur le pot. Marilène avait beau être courageuse, sa mère ne lui avait fait que deux bras, et elle ne pouvait être partout. Mais elle était bien mal secondée.
-Voilà, il a fini. Je fais quoi maintenant ?
-Tu le mets au lit et tu vides le pot ! Rhalala, mais il faut tout te dire !
-Oui-ben, je peux pas savoir, moi ! J'ai jamais fait ça
-Et moi ? Il a bien fallu que j'apprenne. Alors, tu feras comme moi, tu apprendras !

Quand Marilène mit Romain au lit à son tour, elle s'aperçut avec horreur qu'il portait un pyjama du même accabit que celui de Rémy. Cette fois, c'était une pelure de nounours, toute aussi chaude et enveloppante.
-C'est l'horreur ces pyjamas. Il va falloir que j'aille leur en acheter d'autres
Aldon Juan sauta sur l'occasion
-Nan, ne bouge pas, j'y vais de ce pas !
Lui qui croyait que sa journée était gâchée, il voyait poindre l'espoir de pouvoir donner un rendez-vous au magasin.
-Tu vas où ? au bazar rapidos ?
-Nan, je vais aux boutiques du coin, il y a plus de choix.
Et surtout-surtout, il préférait se faire oublier un peu au bazar rapidos. Faut-il que je vous rapelle pourquoi ?

Comments

[fonsine]

A l'impossible nul n'est tenu, mais Aldon va faire de son mieux. C'est qu'il doit sauver l'honneur. Allez, c'est reparti pour un tour !

[AnneB]

Il ne lui arrive que des misères dans cet épisode !
Mais, comme le dit si bien Lise, j'ai confiance en vous aussi pour surmonter tout ça ;)
Merci Fonsine !

[Delise]

Rah,le pauvre Aldon,c'est vraiment rageant !!
Diable, c'est qu'il n'est pas facile aussi, ton challenge, réussir à eviter les "pris sur le fait" !
Enfin, je vous fais confiance à tous les deux pour s'y remettre, et de toute façon, j'ai vu que la nouvelle génération est assurée ! ;)

Lise

[fonsine]

40,25 points qu'il a perdu cette andouille. (enfin, je ne sais pas trop qui est l'andouille dans l'affaire) : 4 flagrants délits : l'entremetteuse, 2 serveuses et sa femme, plus la fille qui a pigné une fois... Marilène voudrait bien renouer des relations plus, disons "normales" entre mari et femme mais elle peut toujours courir. La veille de sa mort peut-être. Et encore, c'est qu'il a des points à rattraper le don Juan. Mais, tout espoir n'est pas perdu, il n'est pas encore bien vieux. Le problème, c'est que les NPC se font rares. Et comme tu dis, Aline, Jehanne sauvera peut-être l'honneur, si elle est plus dégourdie.

[Aline]

Mais oui, tu peux encore te rattraper ;) Ne t'en fais pas! Et puis Jehanne sauvera peut-être l'honneur de son père ;)

Aline